La dissolution de l’Assemblée nationale : comment ça marche ?
Le 9 juin 2024, Emmanuel Macron a créé la surprise en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale.
Quelles sont les conséquences de cette dissolution ? Comment cette procédure a-t-elle déjà été utilisée dans le passé ? Quand auront lieu les élections ?
Pappers vous dit tout sur les tenants et aboutissants de cette procédure exceptionnelle.
Quel est le rôle de l’Assemblée nationale ?
L’Assemblée nationale est une institution française au cœur de la démocratie et constitue avec le Sénat, le Parlement de la Vème République. L'Assemblée constitue la chambre basse, car elle représente la Nation.
Deux principales fonctions lui incombent : la fonction législative et la fonction de contrôle du Gouvernement. La première consiste à l’élaboration de la loi et la seconde consiste à contrôler les actions du Gouvernement.
L’Assemblée nationale, au même titre que le Sénat, doit également examiner les actes de l’Union européenne et contrôler les actions européennes du Gouvernement. L'élection des députés a lieu tous les 5 ans au suffrage universel direct
Dissolution de l’Assemblée nationale : de quoi parle-t-on ?
La dissolution de l’Assemblée nationale peut se définir comme le droit de mettre fin de façon prématurée au mandat des députés afin de provoquer de nouvelles élections législatives. Ce droit de dissolution est donné au Président de la République par la Constitution de 1958 à l’article 12, selon le régime parlementaire de la Vème République.
Pour se faire, le Président doit consulter le Premier ministre et les présidents des deux chambres (Sénat et Assemblée nationale). Cependant, cette consultation n’oblige pas le Président à suivre leur avis. En effet, c’est le Président qui décide de la dissolution ou non de l’Assemblée. Selon l’article 12 précédemment cité, aucune dissolution ne peut avoir lieu un an suivant la dernière qui a été prononcée. Un délai d’un an doit donc être respecté entre deux dissolutions.
De plus, la dissolution n’est pas possible lorsque le Président exerce ses pouvoirs exceptionnels au sens de l’article 16 de la Constitution. En outre, la dissolution n'est pas possible lorsque la fonction de président de la république est exercée par intérim (pendant une vacance de la présidence de la république, les pouvoirs sont confiés au président du Sénat).
Quelles sont les conséquences de la dissolution de l’Assemblée nationale ?
Les raisons de dissoudre l’Assemblée nationale peuvent être parmi les suivantes :
- Aucune majorité ne ressort clairement, il est donc difficile de voter une loi. La dissolution permettrait alors de maintenir les débats au sein de la Chambre basse.
- Le président et la majorité législative ne sont pas en adéquation. Dans ce cas, on emploie le terme “cohabitation”.
- Permettre aux citoyens de s’exprimer et prendre position vis-à-vis de la politique du Président
Lorsque le président annonce la dissolution de l’Assemblée nationale, un vote se tient pour élire les nouveaux députés. Ces élections doivent se tenir entre 20 et 40 jours après la prononciation de la dissolution. Cependant, les députés peuvent se présenter à nouveau lors des élections suivant la dissolution.
Par ailleurs, il n'existe pas de limitation du nombre de mandats pour un député. Ce sont donc les électeurs qui désignent les députés lors de la constitution de l’Assemblée nationale suite à la dissolution.
Combien de dissolution de l’Assemblée nationale y a t-il eu en France ?
La dissolution de l’Assemblée nationale est un moyen de mettre fin à une crise ou un blocage institutionnel. Ce pouvoir donné au président est un pouvoir d’arbitrage.
La dissolution de la Chambre basse est considérée comme une arme présidentielle et a été déployée de nombreuses fois. Depuis 1958, cinq dissolutions ont été prononcées, notamment en 1962, 1968, 1981, 1988 mais également 1997.
La première dissolution de 1962
Au cours des premières années de la Vème République, Charles de Gaulle a usé de ce pouvoir. À l’origine, une motion de censure (moyen mis à disposition du parlement pour montrer sa désapprobation envers la politique du gouvernement et le forcer à démissionner) a été déposée par les députés.
Le Président Charles de Gaulle a donc lutté contre cette motion et a dissout l’Assemblée. Une majorité se tenant du côté du président a ensuite été votée au sein de la Chambre basse et Georges Pompidou a été à nouveau nommé Premier ministre.
La dissolution de 1968 face à la révolte des étudiants
En 1968, la nouvelle génération n’est plus en accord avec la politique du Général De Gaulle et exprime ce désaccord lors d’occupations d'amphithéâtres. Le Président choisit de recourir à un référendum mais celui-ci démontre le désaccord des citoyens.
C’est la raison pour laquelle, suite à l’avis de son Premier ministre Georges Pompidou, il choisit finalement la dissolution de l’Assemblée.
Face à la cohabitation de 1981, le choix de la dissolution
En 1981, les français élisent François Mitterand comme président de la République. Celui-ci est de gauche mais la majorité de la Chambre basse est à l’opposé. Le Président souhaite exercer pleinement ses fonctions.
Cette dissolution était prévisible, François Mitterrand ayant annoncé son intention de dissoudre pendant la campagne. Il obtiendra une majorité, mettant fin à la cohabitation.
La quatrième dissolution en 1988
Lors de sa réélection, François Mitterand se retrouve confronté à la cohabitation puisque la droite s’invite à l’Assemblée nationale et devient majoritaire. Cette cohabitation place le Président de la Vème République dans une situation complexe pour mener à bien sa vision politique.
C’est pourquoi le 13 mai 1988, François Mitterand se retrouve contraint, à nouveau, de dissoudre la Chambre basse, conformément à l’article 12 de la Constitution. Les électeurs choisissent alors de désigner une majorité de gauche.
La dissolution opportuniste de 1997
Cette dissolution est inédite. En effet, contrairement aux précédentes, Jacques Chirac élu en 1995 décide de dissoudre l’Assemblée malgré le fait que son parti soit majoritaire.
Cette dissolution n’avait pas vocation à mettre fin à une crise ni à une cohabitation. Le Président, ayant observé une baisse de sa popularité et de la majorité à droite, a trouvé opportun de dissoudre l’Assemblée nationale.
Cependant, lors des élections législatives qui ont eu lieu suite à la dissolution, l’inattendu arriva et la gauche prit le contrôle de l’Assemblée. Cela signe alors le début d'une nouvelle cohabitation.
La dissolution du 9 juin 2024
Suite à l’annonce de la dissolution de l'Assemblée Nationale par Emmanuel Macron, les élections législatives ont été annoncées pour les 30 juin et 7 juillet 2024. Ces élections législatives anticipées prendront la forme de scrutin majoritaire à deux tours. Ces élections auront donc pour objectif de déterminer les représentants qui siègeront à la chambre basse du Parlement Français.
Alors que l’extrême droite a obtenu plus de 30% des voix aux élections européennes, certains représentants de gauche prônent une union des partis de gauche afin de faire barrage à l’extrême droite au moment des élections législatives. Les responsables de la France Insoumise ont notamment fait une proposition de rencontre aux autres groupes de la Nupes, c'est-à-dire le Parti socialiste, le Parti communiste français, les écologistes, et le parti Génération·s.
De leurs côtés, plusieurs membres du Rassemblement National se sont exprimés à propos du poste de premier ministre pour Jordan Bardella en cas de victoire législative du parti.
L’activité législative de l’Assemblée Nationale est donc au point mort jusqu’à l’élection des prochains députés. La décision du Président ayant mis fin de manière anticipée aux mandats des députés, tous les travaux parlementaires sont en suspend, notamment le projet de loi sur la fin de vie, qui était en examen à l’Assemblée.
S’agissant néanmoins des projets de loi déposés au Sénat, il en est autrement. Si un projet de loi a préalablement été adopté par les députés et se trouve en attente ou en cours d’examen au Sénat, celui-ci n’est pas abandonné. Le gouvernement peut décider que la discussion de ce projet se poursuive malgré les évènements au sein de l’autre chambre du Parlement. C’est le cas par exemple du projet de loi sur le Logement.
Cependant, si des propositions de loi sénatoriales sont actuellement en attente à l’Assemblée Nationale, celles-ci sont abandonnées, en attente d’une possible récupération. Le Sénat pourra à nouveau déposer les propositions de lois concernées, une fois les nouveaux députés élus.
Que se passe-t-il pour les députés en fonction au moment de la dissolution ?
L’annonce de la dissolution de la chambre basse du Parlement met fin de manière anticipée aux mandats des 577 députés, qui perdent leur statut d’élu de la nation jusqu’aux prochaines élections législatives. Certains d’entre eux risquent donc de ne pas retrouver leur siège à l’Assemblée Nationale.
Les députés sortants qui souhaitent se représenter, entrent en campagne dès le lendemain de l’annonce de la dissolution, soit le 10 juin 2024. Par ailleurs, les différents partis doivent déposer leurs listes au plus tard le 14 juin.
Pourquoi faire une dissolution de l'Assemblée nationale ?
La dissolution de l’Assemblée Nationale est un des nombreux pouvoirs dont dispose le Président de la République. En annonçant sa décision, Emmanuel Macron s’expose à différents scénarios.
La question est pourtant de savoir dans quel(s) objectif(s) le Président de la République à opté pour la dissolution. Selon les experts, il pourrait y avoir plusieurs explications :
C’est un réel pari pour le Président, dont plusieurs membres de son entourage ont tenté de dissuader.
Pour certains acteurs du monde politique et notamment pour Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale sortante, la décision d’Emmanuel Macron reste compréhensible mais elle considère qu’il existait un “autre chemin”, comme celui d’une coalition (lorsque différents groupes politiques s’entendent pour former une coallition et prendre des décisions ensemble, alors qu’ils ne sont pas forcément membres du même parti).